lundi, juin 12, 2006

Histoires du soir : Rembrandt par Genet

Autoportrait, 1665 - Rembrandt

Je suppose qu'au fond il se foutait d'être bon ou méchant, coléreux ou patient, rapace ou généreux... Il fallait n'être plus qu'un regard et une main. De surcroît, et par ce chemin égoïste, il devait gagner - quel mot ! - cette sorte de pureté si évidente dans son dernier portrait qu'elle en est presque blessante. Mais c'est bien par le chemin étroit de la peinture qu'il y arrive.
Si je devais, schématiquement, grossièrement, rappeler cette démarche - une des plus héroïques des temps modernes - je dirais qu'en 1642 - mais l'homme n'était déjà pas banal - le malheur surprend, désespère un jeune ambitieux, plein de talent, mais plein aussi de violences, de vulgarités et d'exquises délicatesses.
Sans espoir de voir un jour le bonheur réapparaître, avec un effort terrible, il va essayer, puisque seule la peinture demeure, de détruire dans son oeuvre et en lui-même tous les signes de l'ancienne vanité, signes aussi de son bonheur et de ses rêves. À la fois, il veut, puisque c'est le but de la peinture, représenter le monde, et à la fois le rendre méconnaissable.
[...]
Cet effort l'amène à se défaire de tout ce qui, en lui, pourrait le ramener à une vision différenciée, discontinue, hiérarchisée du monde : une main vaut un visage, un visage un coin de table, un coin de table un bâton, un bâton une main, une main une manche...
Jean Genet, Le secret de Rembrandt - 1958
***
Au monde il existe et n'existera jamais qu'un seul homme. Il est tout entier en chacun de nous, donc il est nous-même. Chacun est l'autre et les autres.
Jean Genet, Ce qui est resté d'un Rembrant déchiré en petits carrés bien réguliers, et foutu aux chiottes
Croc Blanc a.k.a. Coyotes de Phoenix