samedi, avril 15, 2006

Journal de bord : Gilles Pelletier, page 3

Le film sur l’art
Gilles Marsolais
Triptyque, 2005, 200 pages

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Comme il s’agit d’un discours cinématographique ( que l’on aurait à tort de qualifier de «second») conjugué au discours préexistant d’une œuvre, plus qu’une simple courroie de transmission, le film sur l’art bien conçu se fait «passage», et le cinéaste qui le pratique devient passeur (pour paraphraser Serge Daney).
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«Chaque œuvre ou chaque artiste pose au cinéma un regard neuf, à résoudre selon une méthode originale, et cela même à l’intérieur d’un même genre.» (Henri Lemaître)
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Tout est question d’intelligence et de sensibilité, pour arriver à manier deux langages distincts et à doser harmonieusement des exigences multiples et parfois contradictoires : se baser sur une recherche approfondie et parvenir à faire oublier l’aridité de ce travail préalable (tout en fournissant une documentation inédite et fouillée), véhiculer un discours critique suffisamment élaboré et novateur sans verser dans l’exposé magistral, transformer en termes cinématographiques les fruits de cette recherche et de cette analyse, veiller à l’équilibre interne du film, à son résultat qui doit être en accord avec l’œuvre abordée et non se substituer à elle (impliquant une réflexion sur les notions de mouvement et de statisme, d’espace et de surface plane, de luminosité, ainsi qu’une exploration des multiples possibilités de la bande-son, etc.), voire inventer un style cinématographique et favoriser l’établissement de nouveaux rapports avec l’œuvre (justifiant par le fait même le recours aux moyens de cinéma).
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Évalués en fonction de critères proprement cinématographiques, les meilleurs films sont souvent ceux qui s’arrêtent au «comment» du travail de l’artiste, plutôt que de chercher à en approfondir le «pourquoi» (une quête plus périlleuse, menacée par la lourdeur didactique).
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Page 153

Souvent, on peut vérifier cruellement que les meilleurs films sur l’art, tout comme les œuvres qu’ils abordent, sont encore ceux qui naissent d’une nécessité impérieuse, qui cherchent à répondre à une question relative à une pratique artistique, alors que quantité d’autres films paraissent inhabités, sans intérêt, voire carrément inutiles, du simple fait qu’ils ne correspondent à aucune urgence ou qu’ils se contentent de répondre à un impératif d’ordre économique qui relève davantage du marketing autour de l’art et de la récupération des œuvres par des boursicoteurs aguerris.
Croc Blanc a.k.a. qui guette sa proie